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SKeyes Center for Media and Cultural Freedom - Samir Kassir Foundation

Liberté de la presse : « Au Liban, nous restons très loin des standards auxquels nous pouvons aspirer »

Mercredi 03 mai 2023
Photo credit: AFP

Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir Eyes (SKeyes), répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » après la publication du classement annuel de Reporters sans frontières paru mercredi, et revient sur la situation de la liberté de la presse au Liban.

Reporters sans frontières (RSF) a publié mercredi son classement mondial de la liberté de la presse annuel, dans lequel le Liban figure à la 119e place sur les 180 pays et territoires évalués. Bien que le pays progresse de 11 places par rapport à l’année dernière, la situation reste « difficile » pour les journalistes, en majeure partie à cause de la situation économique sévère « qui ne cesse de s'aggraver », et qui force notamment les médias à entreprendre « d'énormes coupes budgétaires ». RSF dénote néanmoins une « réelle liberté de ton dans les médias libanais », tout en rappelant que la plupart sont « contrôlé(s) par des individus directement affiliés à des partis ». Ayman Mhanna, directeur de la fondation Samir Kassir Eyes (SKeyes), commente les résultats du classement, et les conditions d’exercice du journalisme au Liban.


Comment expliquer que le Liban se trouve parmi les derniers pays du classement annuel de RSF ?

Le Liban se trouve plutôt au milieu, dans la deuxième moitié du classement, ce qui n’est pas une surprise. C’est un pays dans lequel l’impunité continue à régner, notamment dans les cas de crimes et de violations contre les journalistes. C’est un pays où le cadre juridique concernant la presse est très ancien et mal appliqué, ou appliqué de manière arbitraire. C’est aussi un pays où l’indépendance économique de la presse est assez faible. Ce sont des critères essentiels dans le classement de RSF, qui font que nous nous retrouvons dans la deuxième moitié du tableau.

Le Liban a gagné 11 places par rapport à l’année dernière. Cela représente-t-il une véritable amélioration ?

Il y a une amélioration liée aux critères même du classement, mais dont nous ne pouvons pas nous féliciter pour autant. D’abord, il n’y a pas eu – heureusement – d’assassinat de journalistes en 2022 au Liban, contrairement à 2021 avec l’assassinat de Lokman Slim (intellectuel et militant critique du Hezbollah). Le nombre d'agressions physiques de journalistes en 2022 a également baissé, mais cela est dû au fait qu’il y a eu moins de grands rassemblements populaires. Beaucoup de convocations de journalistes ont eu lieu, mais les décisions judiciaires sont allées plutôt dans le bon sens en général. À plus d’une reprise, la mobilisation pour soutenir certains journalistes a poussé les autorités à reculer. Cette amélioration, bien que limitée, est importante parce que c’est la première depuis 2015 dans ce domaine. Nous restons cependant très loin des standards auxquels nous pouvons aspirer.


Quelle est la place des journalistes et des acteurs indépendants dans le paysage médiatique libanais ? Les réseaux sociaux sont-ils davantage un moyen d’expression pour les journalistes ou un outil d’intimidation pour les partis politiques ?

Il ne faut pas confondre les médias en ligne et les réseaux sociaux. De nombreux médias libanais ont été lancés sur internet, des « pure players », qui font un travail assez admirable au niveau de l’investigation et au niveau de la reddition de comptes, et qui sont capables de publier des sujets que les médias traditionnels ignorent très souvent. Cela contribue à la richesse du paysage médiatique libanais. Les médias traditionnels, quant à eux, font face à une crise économique qui les pousse malheureusement à compter encore plus sur l’argent politique, qu’il soit d’origine locale ou régionale, et cela réduit leur indépendance.


Les réseaux sociaux sont ouverts à tous. Sauf qu'en raison de leur modèle économique et leurs algorithmes, ils favorisent le discours le plus radical. Très souvent, les partis au pouvoir, comme le Hezbollah mais d’autres aussi, ont réussi à comprendre le fonctionnement de ces algorithmes, notamment du « astroturfing », une technique visant à donner l’impression d’être une majorité. Ces partis utilisent ce moyen pour intimider les journalistes ou leurs opposants, qui qu'ils soient. C’est donc un défi très important dans la période à venir, où les menaces en ligne seront un des principaux freins à la liberté d’expression, parce que cela va pousser de plus en plus d’acteurs indépendants à l’autocensure. D’où l’importance de dénoncer ces agissements, mais également de trouver des solutions aussi bien au niveau local qu’en négociant avec les grands réseaux sociaux au niveau international.

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