Vous l'avez forcément aperçue à la télé ou sur les réseaux sociaux. Depuis sa publication par la MTV samedi, cette vidéo tourne en boucle : deux hommes sont dans un ascenseur, un troisième entre et se place devant eux. Il tire un revolver de son manteau, attend son étage, puis sort. « Il y a des crimes » s'affiche à l'écran. Une fois l'homme sorti, les deux autres se prennent la main. « Et il y a l'amour. Pour l'abrogation l'article 534 du Code pénal qui criminalise l'homosexualité ».
« Wow wow wow ! Bravo MTV, enfin ! » écrit un internaute sous la vidéo en question, publiée dimanche sur la page Instagram de la chaîne. Outre ce commentaire – le plus liké parmi ceux postés sur cette publication – d'autres réactions, négatives, se sont également fait entendre.
« Prétexter du message noble des médias pour monter les composantes (de la société) les unes contre les autres et pour attiser la haine parmi les Libanais est un crime », a écrit samedi le ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada, en commentant le spot.
Dans un message publié sur X (ex-Twitter), le ministre poursuit ainsi : « Attiser la guerre civile, c'est un crime. Faire la promotion de la division sous prétexte de fédération et de Liban fédéral, c'est un crime. Si on établit qu'un criminel a perpétré ses crimes de manière intentionnelle et préméditée, moyennant paiement, et qu'il sert l'agenda israélien et ses intérêts, on fait alors face au crime de trahison le plus dangereux et le plus méprisable. En l'occurrence, les relations déviantes resteront un crime. Très bientôt, la promotion des déviances sera passible des sanctions les plus sévères. Celui qui commet la trahison tombe au plus bas du vice ».
Promouvoir l'homosexualité ? « Non, mais sa dépénalisation »
« C'est désolant. La culture, ça doit être l'ouverture d'esprit », réagit Walid Abboud, directeur de l'information de la MTV, aux propos de M. Mortada. « Après tout ce qui se passe dans le pays et la campagne anti-LGBTQ+ sans précédent menée par la classe dirigeante, il était naturel pour nous de diffuser ce spot », explique-t-il à L'Orient-Le Jour, assurant que la vidéo fait consensus dans toute la rédaction.
Répondant aux critiques, il poursuit : « Certains ont détourné le message pour dire que nous faisions la promotion de l'homosexualité, ce qui est faux. On fait la promotion de la dépénalisation de l'homosexualité », nuance Walid Abboud.
À une question posée sur la réaction de certains internautes qui estiment que la MTV ne s'est pas toujours distinguée par ses positions pro-LGBTQ+, il répond : « Bien sûr, ces sujets suscitent le débat. Mais au final, tout le monde ici est d'accord avec le message du spot ».
Jad Chahrour, responsable média du centre SKeyes pour la liberté des médias et de la culture, veut d'abord féliciter la MTV. « Toutes les chaînes de télé devraient prendre une position similaire », lance-t-il. « Il faut reconnaître à la MTV le courage de cette position, même si le background de la chaîne n'est pas spécialement marqué par un engagement en faveur des LGBTQ+ », tempère-t-il.
Version détournée et « médias de la honte »
Outre les propos du ministre de la Culture, les critiques se sont multipliées contre le spot. La chaîne du Hezbollah el-Manar a publié un article mardi, ainsi titré : « La chaîne MTV atteint un niveau sans précédent en adoptant la promotion des déviances et en bafouant les valeurs de la société libanaise ».
Autre contre-attaque : celle d'un collectif appelé « project Muyul », qui a publié une version détournée du spot de la MTV lundi soir. « Il y a un crime qui tue un être humain, et il y a un crime qui tue la société. Oui au maintien de l'article 534 et à la protection des valeurs sociétales et familiales », écrit-il.
Le spot parodique a été publié sur le compte Instagram du collectif, qui ne compte que 617 followers et dont la première publication date du 20 août. Cette association a également publié une liste des « médias honteux, chantres de la décadence morale » dont MTV, al-Jadeed, LBCI, mais aussi les journaux al-Modon, an-Nahar et L'Orient-Le Jour. Contacté, ce collectif n'était pas disponible dans l'immédiat.
La communauté LGBTQ+ est la cible d'attaques répétées depuis quelques mois au Liban, aussi bien par les chefs politiques et religieux que dans leur vie quotidienne. Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait appelé fin juillet à « punir de mort » les liwat (terme considéré insultant pour désigner les homosexuels).
Le 23 août, une vingtaine de « Soldats de Dieu », un groupe chrétien extrémiste, ont attaqué un bar dans le quartier de Mar Mikhaël qui accueillait un spectacle de deux Drag Queens libanaises, comme à son habitude.