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SKeyes Center for Media and Cultural Freedom - Samir Kassir Foundation

Dans la nuit noire de Beyrouth, le conte d’un fantasme nommé « Suisse de l’Orient »

Mardi 07 juin 2022
Photo credit: Clément Gibon
Lorsque le silence tombe, comme un invisible rideau, à la fin de Rise and fall of Orient Swiss – Bedtime stories (Ascension et chute de la Suisse de l’Orient – Contes du soir), c’est un public secoué qui applaudit la performance de Chrystèle Khodr. Les mots de cette auteure, comédienne et metteuse en scène de talent ont (r)allumé des myriades de sentiments, d’émotions et de questionnements, parfois contradictoires, dans les coeurs et les esprits.

Réunis dans la nuit noire du centre-ville de Beyrouth, place Samir Kassir, sous les lampions d’un générateur privé installé pour l’occasion, une centaine de spectateurs suspendus aux lèvres de la jeune femme ont plongé, l’espace d’une cinquantaine de minutes, dans les dessous de l’histoire contemporaine du Liban. Et ses correspondances secrètes avec l’actualité. À travers un récit subtil à l’humour corrosif et à l’ironie féroce, égrené d’une voix paradoxalement douce, la performatrice-conteuse, debout à l’ombre de la statue du grand journaliste assassiné, revient par épisodes sur une ascension vertigineuse et une chute annoncée. Celles de l’homme d’affaires et banquier palestinien Youssef Baidas, au destin inextricablement lié à celui du pays du Cèdre, et à son mythe prégnant dans les années 1950 et 1960 de « Suisse de l’Orient ».

Un fantasme initié par le fondateur de la célèbre Banque Intra, «dont la faillite controversée en 1966 jette une ombre sur le présent et façonne encore aujourd’hui la mémoire collective au Liban », assure Chrystèle Khodr.

De l’intime au politique

Dans ce texte théâtral, l’auteure et comédienne libanaise part de l’intime et du personnel pour parler de politique. Alternant des épisodes de la vie de Youssef Baidas avec des bribes de son propre vécu de Libanaise au cours de ces années de crise économique, son récit fait de constants allers-retours entre la Suisse et le Liban, Lucerne en 1967 et Beyrouth post-4 août 2020, pour tisser un propos à la fois émotionnel et documenté. À la fois historiquement instructif et captivant. Et largement démystificateur de l’idée d’un «Liban Suisse de l’Orient ».


Cet État pacifique, neutre et soumis à la loi, qui demeure le rêve invraisemblable d’une population bernée par des politiques, aujourd’hui comme hier, abonnés aux querelles d’ego et aux dénis de la réalité.

Il y a évidemment de multiples couches de lecture dans ce texte parfaitement ciselé. Et des allégations que d’aucuns jugeront biaisées ou contestables. Il n’en demeure pas moins que ce spectacle est de ceux qui bousculent et laissent des traces.

Quand, à la fin de sa pièce, Chrystèle Khodr s’adresse à Youssef Baidas en disant : « Heureusement que tu as construit les silos au port de Beyrouth. Leur présence a protégé la moitié de la ville et sauvegardé l’autre moitié du… reste de ma vie », ses mots résonnent avec une force insoutenable.


Suite le 23 juin au BAC

Écrite au cours de ces deux dernières années de confinement sous la forme d’une pièce d’écoute radio commandée par le Zurich Theatre Spectacle, enregistrée et diffusée (avec le soutien de AFAC, Mophradat et al-Mawred Cultural Resources) en 2021 (presque un an exactement après la catastrophe du port de Beyrouth) en traduction anglaise sur diverses plateformes numériques (dont Radio Karantina), Rise and Fall of Orient Swiss – Bedtime stories constitue le premier volet d’un diptyque dans lequel la dramaturge libanaise – récompensée du prix Ibsen en 2019 et figurant dans le palmarès du site scène-web des meilleures metteuses en scène de 2021– questionne les cycles du néolibéralisme économique et son impact sur l’effondrement du Liban ainsi que ses effets sur le quotidien de toute une population, le sien inclus.


Le second volet intitulé Who killed Youssef Baidas ? (Qui a tué Youssef Baidas ?) sera présenté ce 23 juin au Beirut Art Center sous la forme, singulière là aussi, d’une installation sonore, une pièce sans acteurs mais à l’interaction recherchée avec le public.

À suivre donc.

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