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SKeyes Center for Media and Cultural Freedom - Samir Kassir Foundation

Deux militantes de nouveau convoquées par la police

Mercredi 14 avril 2021

Il semble que la kyrielle des convocations de contestataires appartenant au mouvement du 17 octobre ne connaisse pas de répit. Dans un Liban en crise dont les responsables plongent les citoyens dans un gouffre sans fond, ceux qui osent exprimer leur colère et leurs opinions continuent de s’exposer à des convocations de la part de la police.


C’est dans ce cadre que Nisrine Chahine et Hiba Dandachli ont été convoquées hier devant la police d’investigation, à la caserne Barbar el-Khazen, à la rue de Verdun. Elles font l’objet d’une plainte pour diffamation déposée par Majed Boueiz, avocat de plusieurs personnalités du Courant patriotique libre. À l’extérieur, de nombreux activistes s’étaient rassemblés devant le bâtiment en signe de solidarité. « Non aux convocations policières, non à l’État policier », clamaient-ils notamment en brandissant des pancartes sur lesquelles étaient écrites plusieurs interrogations, dont : « Que signifie l’arrestation des révolutionnaires ? Pourquoi n’arrête-t-on pas les corrompus ? » « Que faites-vous de nos jeunes ? Nos enfants ne sont pas affiliés à Daech (État islamique). »


En vertu du nouvel article 47 du code de procédure pénale permettant à un prévenu d’être accompagné d’un avocat devant la police, Ayman Raad, un des nombreux avocats volontaires des activistes, a pu assister à l’audience. « Il n’existe aucune preuve que les deux jeunes femmes aient insulté Majed Boueiz », explique-t-il à L’Orient-Le Jour. Revenant sur les circonstances de l’action judiciaire intentée à l’encontre des deux militantes, il raconte : « En juin dernier, le bloggeur Gino Raïdy et un autre activiste, Taymour Jreissati, avaient été convoqués devant la police suite à une plainte déposée contre eux par l’ancien ministre de l’Environnement Fady Jreissati, pour l’avoir pris à partie devant un restaurant de Beyrouth où il avait déjeuné. À l’issue de l’audience au cours de laquelle Me Majed Boueiz, avocat de Fady Jreissati, a fait une déposition, Nisrine Chahine, filmant Gino Raïdy, s’est enquise de ce qui s’y était passé. En lui donnant sa réponse, ce dernier a traité Me Boueiz de “menteur”. Nisrine a posté sa vidéo sur Facebook. Quant à Hiba Dandachli, elle avait appelé Majed Boueiz à “ne plus faire entendre sa voix”, tout comme une cinquantaine de manifestants qui observaient un sit-in pour soutenir Gino Raïdy. » L’avocat a alors porté plainte contre les deux activistes qui, selon Ayman Raad, ont assuré hier aux enquêteurs n’avoir à aucun moment lancé des insultes. Leur avocat se demande au passage pourquoi la plainte déposée par Majed Boueiz devant le parquet d’appel de Beyrouth a été transmise à la police judiciaire et non à un poste de gendarmerie, comme cela se passe dans la grande majorité des affaires de ce type. « Normalement, ce n’est que quand l’enquête ne porte pas ses fruits au poste de gendarmerie que la plainte est déférée à la police judiciaire », note-t-il. Nous avons essayé de joindre Majed Boueiz, mais sans succès.


Faire taire les voix discordantes

Ayman Mhanna, directeur exécutif du Centre SKeyes, estime en tout état de cause que la « police n’a rien à voir avec les affaires liées aux libertés d’opinion et d’expression ». Il préconise un amendement de la loi pour que les plaintes en diffamation ne relèvent plus de la justice pénale mais de la seule justice civile.

Interrogé sur la convocation des deux militantes, M. Mhanna affirme qu’il s’agit d’un exemple montrant « à quel point les autorités sont obsédées par l’idée de faire taire les voix discordantes d’activistes indépendants ». « Le pouvoir se réveille seulement lorsque des gens qui n’ont pas d’affiliation politique attaquent des personnalités qui lui sont proches. » Et de citer parmi les activistes facilement ciblés car sans protection partisane « les journalistes Dima Sadek, Diana Moukalled et Luna Safwan ». « Mais lorsqu’il s’agit d’agressions commises par des membres de partis contre des militants indépendants ou des membres d’autres partis, les autorités sont en hibernation totale », déplore M. Mhanna, dénonçant « une politique des deux poids, deux mesures ».

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