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SKeyes Center for Media and Cultural Freedom - Samir Kassir Foundation

Quel sens accorder au foisonnement de candidats issus des médias ?

Mardi 20 mars 2018
 
Il y a toujours eu des journalistes convertis à la politique, mais les candidatures pour le scrutin 2018 impressionnent par leur nombre et leur notoriété. Quelle est la symbolique de ce nouveau phénomène ?

Parmi les très nombreux candidats issus de la société civile cette année, plusieurs ont franchi le pas entre journalisme et candidature aux législatives. Parmi eux, des noms illustres dans le monde des médias. Les journalistes font partie des métiers représentés de manière exceptionnelle (par rapport aux scrutins passés) parmi les plus de 900 candidats à ces législatives. Profitant d’un véritable enthousiasme qui découle de ce que d’aucuns considèrent comme des possibilités de percées en raison de l’adoption du système proportionnel, ces noms issus des médias espèrent probablement concrétiser les objectifs dans des domaines qu’ils traitent depuis des années dans leurs supports respectifs. Mais au-delà de cet enthousiasme, quelle lecture objective en font les experts ? 

Ce nombre conséquent de journalistes qui se portent candidats aux élections inspire plutôt de l’inquiétude à Ayman Mhanna, directeur de l’association SKeyes. « Il y a plusieurs raisons possibles à ce phénomène, dit-il. D’une part, les dernières élections ont eu lieu il y a neuf ans, ce qui a laissé un certain vide au niveau du renouvellement des classes politiques, et a poussé toutes sortes de personnes jouissant d’une certaine notoriété à se présenter aux élections. D’autre part, la loi électorale actuelle est une sorte de proportionnelle dévoyée en raison du vote préférentiel unique. D’où le fait que, pour s’attirer ces précieux votes, la notoriété devient aussi importante que les programmes des listes. Ensuite, il existe un mélange des genres au Liban qui est pour le moins déconcertant, une proximité entre journalisme et politique, et parfois entre journalistes et politiques, souvent présents dans les mêmes cercles. » 

Dans une comold_paraison avec d’autres journalistes et hommes politiques du passé, comme Ghassan et Gebran Tuéni, Ayman Mhanna fait remarquer qu’il s’agissait là de journalistes d’opinion et que leur implication dans les élections se faisait en réponse à de grandes questions politiques qui marquaient les élections de chaque époque. « Par rapport à d’autres scrutins, même ceux de 2005 et de 2009, ces élections sont vides de sens politique, dit-il. Avec la loi actuelle, les personnes jouissant d’une certaine célébrité, comme des journalistes connus, des “fils de”, des chefs de file… sont avantagés par rapport aux autres. Ce qui ne signifie pas qu’ils n’accordent pas d’importance aux programmes et aux causes défendues. » 

M. Mhanna s’inquiète en fait pour la période postélections, craignant une réelle « gueule de bois » le 7 mai. Il se demande « jusqu’à quel point des journalistes qui travaillent dans le domaine politico-social, ou qui sont des intervieweurs, pourront réintégrer leur métier avec ses contraintes et ses codes, après être entrés dans la sphère politique en tant que candidats ». Il estime que le même danger guette les candidats indépendants – faussement présentés comme de la société civile selon lui – dans leur longue lutte en faveur de l’action publique, après la course vers l’hémicycle. « Le problème, c’est qu’il faut toujours quelqu’un pour contrôler et équilibrer l’action du gouvernement », dit-il. 

Absence de débat politique…

Pour sa part, l’analyste Lokman Slim estime que si l’on observe les candidatures sous l’angle sectoriel, il peut apold_paraître que les journalistes candidats ne sont pas plus nombreux que d’autres métiers, mais ils sont peut-être davantage visibles car plus connus. Selon lui, il se peut que beaucoup de journalistes partagent le sentiment que l’exercice de leur métier ne remplit plus assez son rôle d’influence sur les politiques, d’où la volonté de s’impliquer sur la scène publique. Mais d’autre part, certains des journalistes candidats se présentent sur des listes de partis politiques, et dans ce sens deviennent « plus porte-parole que journalistes », selon lui. 

Pour Lokman Slim, ce foisonnement de candidatures chez les journalistes comme au sein de la société civile est plutôt le signe d’une certaine condition sociale que d’un facteur lié à une profession donnée. « Le vrai problème est l’absence de débat politique digne de ce nom dans ces élections, dit-il. D’après ce que j’ai pu observer, je n’ai pas entendu de candidat s’exprimer sur des sujets qui fâchent, comme la problématique des réfugiés syriens par exemple. De même, certains grands titres politiques sont quasi absents de la scène, comme les armes du Hezbollah ou son ingérence en Syrie. Même la manière d’aborder le sujet de la corruption ne présente pas celle-ci comme inhérente au fonctionnement même du système libanais, à tel point que cette machine serait totalement déréglée sans elle. Il ne suffit pas de revendiquer une solution aux déchets ménagers, tout le monde sait que cela est nécessaire. » 

L’absence de gros titres politiques explique de manière générale, selon Lokman Slim, pourquoi les candidatures sont si nombreuses. « Il est plus facile de se porter candidat quand on ne doit pas prendre position sur des sujets délicats », estime-t-il. Il va même jusqu’à considérer que ces candidatures dans un tel contexte pourraient servir à légitimer un certain fait accompli.
« J’ai bien peur que ces élections ne soient un simple mécanisme pour préserver une façade de démocratie », conclut-il. 

Séparer les deux

Pour Rima Majed, sociologue, il est vrai que des noms très connus se présentent aux élections, mais cela ne signifie pas qu’il y ait une nette tendance concernant les candidatures des journalistes en particulier. Elle tend plutôt à penser que ces candidatures s’insèrent dans le cadre plus vaste des candidatures nombreuses de la société civile. « Toutefois, ce qui peut être risqué dans la candidature des journalistes, c’est que ceux-ci en oublient leur rôle premier qui est de surveiller la classe politique, estime-t-elle. À mon avis, ils devraient séparer les deux totalement et cesser entre-temps de pratiquer leur métier. » 

Concernant l’enthousiasme pour les candidatures dans la société civile en général, Rima Majed le ramène surtout à l’absence d’élections depuis neuf ans, au succès de la campagne de Beirut madinati durant les municipales de 2016, ainsi qu’à l’indignation causée par l’incompétence de la classe politique. « Ce qui ne veut pas dire que les chances soient élevées, mais l’enthousiasme est là », dit-elle. 

Pour ce qui est des revendications de ces candidats de la société civile sur des sujets comme la corruption, l’électricité ou les déchets, elles restent, selon la sociologue, au même niveau que les slogans brandis par les partis traditionnels. Selon elle, la société civile devrait tenter de se différencier par un discours et des programmes plus élaborés.

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