Les condamnations s'enchaînent au Liban après la frappe israélienne qui a visé à l'aube le lieu de résidence de plusieurs journalistes couvrant le Liban-Sud à Hasbaya, et qui a fait trois morts, un photographe d'al-Manar, chaîne du Hezbollah, un caméraman et un technicien d'al-Mayadeen, et au moins sept blessés. Officiels, partis politiques et organes représentant la profession ont unanimement condamné un bombardement « délibéré » contre la presse et un « crime de guerre » israélien.
Dans la nuit, l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle) a fait état de « la mort de trois journalistes dans une frappe israélienne sur Hasbaya », en précisant que « des avions de guerre israéliens ont effectué un raid à 03H30 (00H30 GMT) à la frontière libano-syrienne ». Selon des médias locaux, la frappe a touché des résidences de vacances à Hasbaya, où logeait des journalistes, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Beyrouth.
La chaîne pro-iranienne al-Mayadeen, proche de l'axe iranien, a annoncé le mort d'un de ses cameramen, Ghassan Najjar, et d'un ingénieur du son, Mohammad Rida, dans cette frappe qu'elle a qualifiée de « délibérée contre une résidence de journalistes ». Le photographe d'al-Manar Wissam Kassem a également été tué. Figurent parmi les blessés Ali Choeib, d'al-Manar, Élie Abou Aslé d'al-Jadeed, Ali Mortada d'al-Jazeera, le photographe Hassan Hoteit, de la chaîne al-Qahera, Zakaria Fadel, un photographe de l'entreprise libanaise de production ISOL, et Youmna Fawaz, correspondante de la chaîne MTV. Ils ont subi des « blessures diverses ».
« Aucune arme »
Présent sur les lieux de la frappe, le journaliste d'al-Manar Ali Choeib a affirmé que le raid avait également fait des blessés, affirmant que seuls des journalistes se trouvaient sur place, et qu'il n'y avait « aucune arme, aucune cible militaire ». « Le journalisme est la cible des crimes israéliens », a-t-il ajouté.
En début d'après-midi, les dépouilles des trois victimes ont été transférées à l'hôpital al-Zahraa à Beyrouth, où des secouristes de la Croix-Rouge libanaise les ont sorties d'une ambulance sous les cris et you-you de plusieurs dizaines de personnes présentes sur les lieux, selon notre photographe Mohammad Yassine et des images de la chaîne al-Mayadeen.
Commentant la frappe, l'armée israélienne a indiqué dans la soirée qu'elle était « en cours d'analyse ». L'armée israélienne « a mené une frappe contre une structure militaire du Hezbollah à Hasbaya dans le sud du Liban (et) alors que les terroristes se trouvaient à l'intérieur », a expliqué l'armée dans un communiqué. « Quelques heures après la frappe, des informations ont été reçues selon lesquelles des journalistes avaient été touchés lors de cette frappe. L'incident est en cours d'analyse », a ajouté l'armée.
Douze journalistes ont été tués au Liban depuis le début de la guerre entre le Hezbollah et l'armée israélienne, le 8 octobre 2023.
C'est la première fois que la ville de Hasbaya elle-même, à majorité druze, est visée par une frappe aérienne, alors que des raids visent quotidiennement des villages du caza éponyme, notamment les localités frontalières de Kfarchouba, Chebaa ou Hebbariyé.
18 journalistes de sept médias
Le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, a dénoncé une « agression délibérée » des journalistes et un « nouveau chapitre des crimes de guerre » de l'État hébreu, commis sans aucune réaction de la communauté internationale. Cette agression « délibérée a pour but d'intimider les médias afin de dissimuler les crimes et les destructions en cours » au Liban, a ajouté M. Mikati, qui dit avoir chargé le ministère des Affaires étrangères « d'ajouter ce nouveau crime à la série de dossiers documentant les crimes israéliens qui seront soumis aux autorités internationales compétentes ». Depuis le début de la guerre entre le Hezbollah et Israël, le 8 octobre, le Liban a déposé plusieurs dizaines de plaintes contre Israël devant le Conseil de sécurité de l'ONU.
Le ministre sortant de l'Information, Ziad Makari, a, lui, dénoncé la frappe sur son compte X. « L'ennemi israélien a attendu que les journalistes prennent une pause pour les frapper dans leur sommeil, alors qu'ils n'ont pas cessé au cours des mois précédents de couvrir les événements sur le terrain et de révéler ses crimes odieux », a-t-il écrit, condamnant « un assassinat prémédité », précédé d'une « traque » des journalistes. Il a précisé que 18 journalistes représentant sept médias se trouvaient sur les lieux.
« Attaque délibérée »
L'Ordre des rédacteurs a condamné un « massacre horrible », rappelant que six journalistes ont été tués depuis le début de la guerre. Il a dénoncé un « crime de guerre » et une violation « répétée des conventions et traités internationaux » par Israël, l'endroit visé étant « un lieu civil et non militaire », où étaient hébergés des journalistes et photographes. Le centre SKeyes pour la liberté des médias a condamné une « attaque délibérée et sans avertissement préalable », qui constitue un « nouveau crime de guerre commis par l'armée israélienne contre la presse au Liban ».