Alors qu’il avait lui-même été agressé à Beyrouth le 18 juin par une vingtaine d’hommes armés affiliés selon lui au Hezbollah – mais ce dernier a nié cette affirmation –, le journaliste Rami Naïm, connu pour ses prises de position contre le parti chiite, a révélé jeudi sur le réseau social X que le tandem chiite Amal-Hezbollah s’en était pris à deux autres journalistes, Assaad Béchara et Youssef Diab, ce jeudi.
« Une clique de voyous a porté atteinte au président de l’association Journalistes pour la liberté », Assaad Béchara, lui demandant « de partir de Beyrouth, considérant que la ville est une région réservée aux gens qui sont avec le Hezbollah », a écrit Rami Naïm sur X. « Il semble que le feuilleton d’intimidation a débuté avec moi, puis avec Youssef Diab, pour s’en prendre maintenant à Assaad, et à qui d’autre demain ? Aux juges et forces de sécurité : vous attendez quoi ? » a-t-il demandé dans son post. Contacté pour un commentaire sur les propos de Rami Naïm et les affaires en question, le bureau du Hezbollah a souhaité ne pas commenter « de telles inepties ».
Assaad Béchara
C’est en pleine interview jeudi, vers 13h30, dans le centre-ville sur le trottoir de l’immeuble Azariyé, qu’Assaad Béchara aurait ainsi été agressé par des « voyoux » (chabiha), selon le principal intéressé, contacté par L’OLJ. « Le tournage devait durer deux minutes, mais un homme habillé en noir est arrivé et nous a dit que nous n’avions pas le droit de filmer. Il avait une attitude agressive, ça se voyait qu’il voulait faire du mal », dénonce le journaliste, qui explique s’être ensuite retrouvé encerclé avec l’équipe de tournage par trois hommes se montrant menaçants. « Nous avons essayé de comprendre pourquoi nous ne pouvions pas filmer. Tout d’abord, ils ont prétendu que c’était parce que la propriété était privée. Puis, quand le ton est monté, que personne n’a le droit de dire quoi que ce soit contre la “résistance”. » Le journaliste précise ne pas avoir été physiquement attaqué, mais qu’il s’agissait là d’une « première » pour lui.
Si Assaad Béchara ne compte pas porter plainte, il ne fait aucun doute pour lui qu’il s’agit du « tandem chiite » et il dénonce la distillation d’une « atmosphère dans la capitale où il est décidé de ce qui peut être dit ou pas ». « Devant l’opinion publique et devant tous les responsables de sécurité, je veux soulever cette question : Beyrouth n’est-elle plus sous le contrôle des forces légales ? » Contactées, les Forces de sécurité intérieure n’ont pas pu répondre à nos sollicitations étant donné qu’aucune plainte n’a été déposée.
Youssef Diab
À l’instar de Rami Naïm, Assaad Béchara a également évoqué la campagne d’intimidation à l’encontre de Youssef Diab, journaliste pour le quotidien panarabe al-Chark al-Awsat, dénoncée le 23 juin par la fondation SKeyes pour la liberté des médias et de la culture. La fondation avait ainsi rapporté que Youssef Diab était victime d’une « campagne d’intimidation, d’incitation, de menaces d’agression physique sur les médias sociaux », suite à son interview sur la chaîne Sky News Arabia, dans laquelle il commentait l’article polémique du quotidien britannique The Telegraph qui avançait que le Hezbollah stockait des armes à l’Aéroport international de Beyrouth.
Youssef Diab avait alors déclaré que l’article en question pouvait avoir des conséquences dangereuses, l’AIB devenant une « cible israélienne », et que cela devrait « inquiéter en premier lieu l’État libanais ». « L’État sait que le Hezbollah a un contrôle sécuritaire sur l’aéroport, tout le monde le sait. Personne ne peut le nier », avait-il dénoncé. Et d’ajouter : « La route de l’aéroport est aussi sous la coupe sécuritaire du Hezbollah. »
Suite à cette campagne, le journaliste s’était défendu sur le site de la MTV en déclarant que « personne ne peut rivaliser avec (son) patriotisme et (son) hostilité à l’égard de l’État terroriste d’Israël », et qu’il « place la campagne de trahison et de menaces (...) sous la responsabilité de la justice libanaise et des agences de sécurité officielles ». Alors que cette campagne se poursuit depuis dimanche, Youssef Diab a déclaré à L’OLJ que si elle est « inquiétante et dangereuse, elle ne changera pas (ses) convictions en tant que journaliste ou citoyen libanais qui croit que ce pays doit être un espace de toutes les libertés ».
Enfin, il accuse « l’armée électronique du Hezbollah », précisant que « ce n’est pas la première fois » que cela arrive. « Mais jamais je n’avais été accusé d’être israélien ou sioniste, ou qu’on demande à se débarrasser de moi », dénonce-t-il. Lui aussi ne compte pas porter plainte « pour l’instant » : « Mes collègues m’ont conseillé de ne pas le faire afin que la campagne ne prenne pas davantage d’ampleur. Nous attendons que les choses se calment. »