Pas de conférence de presse officielle pour annoncer le programme de la 16e édition du Beirut Spring Festival (le Festival du printemps de Beyrouth), qui se déroulera cette année du 30 mai au 20 juin. « Les temps ont changé. Les réseaux sociaux ont pris la relève et ont ringardisé les rencontres physiques avec les représentants des médias », indique à L’OLJ Randa Asmar, la directrice de cette manifestation culturelle annuelle qui en fait donc la diffusion de manière informelle.
La comédienne de théâtre qui a accompagné depuis ses débuts en 2009 ce festival initié par la journaliste engagée Gisèle Khoury ne veut pas abandonner ce rendez-vous culturel avec les Beyrouthins. Et même si les temps sont durs et le volet international ramené à une seule soirée, la programmation reste fidèle à l’objectif principal de ce festival printanier qui est de contribuer à préserver le visage culturel diversifié de la capitale libanaise en offrant à ses habitants des spectacles variés et accessibles à tous gracieusement.
Au menu de cette édition 2024 : du cinéma, du théâtre, un concert et une rencontre performative. Les soirées – qui seront dédiées au Liban, à la Palestine et à la grande journaliste disparue – seront réparties sur 5 dates et se tiendront dans 3 lieux emblématiques de la capitale libanaise. Précisons tout de même que même si l’accès est gratuit, il est conseillé aux intéressés de réserver leurs places ici.
Jeudi 30 mai : Projection de films signés « Zyara »
Coup d’envoi, donc, ce jeudi 30 mai avec la projection, en plein air, place Samir Kassir au centre-ville de Beyrouth, de la huitième édition des séries documentaires de « Zyara ». Cette dernière, qui vient d’être bouclée, met à l’honneur Beyrouth à travers le regard de 12 grands artistes, qui dévoilent dans une succession d’épisodes de 5 minutes chacun leur âme, leurs histoires et leurs émotions liées à cette ville. Les personnalités filmées par le duo de réalisatrice et productrice de Zyara (Muriel Aboulrouss et Denise Jabbour) seront présentes à la soirée de projection. Il s’agit en l’occurrence de Georgette Gebara, Roger Assaf, Mireille Maalouf, Rifaat Torbey, Randa Kaady, Faek Homaissi, Randa Asmar, Nicolas Daniel, Takla Chamoun, Ziad Ahmadieh, Oumeima Khalil et Harout Fazlian. Une soirée placée sous le signe de l’hommage au Liban.
Zyara, huitième édition, place Samir Kassir, le 30 mai à 21h.
Dimanche 9 et lundi 10 juin : Une pièce multiprimée de Sulayman al-Bassam
Hommage au Liban également avec MUTE, une création scénique de Sulayman al-Bassam, qui est « d’une certaine manière une ode amoureuse à la ville de Beyrouth », avance Randa Asmar. Le dramaturge et metteur en scène britanno-koweïtien y aborde, en effet, les répercussions catastrophiques sur les individus, la société et l’environnement de la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth, « la plus grande explosion non nucléaire de l’histoire ».
« Comment faire face à l’escalade de la violence et à la désinformation médiatique sans précédent qui a suivi ce moment charnière dans la vie au Liban ? Faut-il faire preuve de prudence en privilégiant aux autres formes de résistance l’acte de création artistique ? Que découvririons-nous si nous abandonnions nos outils traditionnels habituels (événement, récit et personnages) et imaginions spécifiquement une action basée sur le silence absolu comme outil de résistance ? » interroge Sulayman al-Bassam dans cette œuvre qui sera donc finalement jouée dans la ville qui l’a inspirée.
MUTE, interprétée en arabe avec des sous-titrages en français, a été présentée en première mondiale en 2023 au festival de théâtre de Carthage, où elle a décroché 3 des 5 prix officiels décernés par ce rendez-vous théâtral, le plus important de la région. À savoir : le prix du meilleur texte à Sulayman al-Bassam, le prix de la meilleure actrice à Hala Omran, et le prix Tanit d’or de la meilleure production.
« MUTE » au théâtre Tournesol, rond-point Tayouné, les 9 et 10 juin, à 21h
Samedi 15 juin : Concert de Ziyad Sahhab
Cette fois, c’est un hommage à la Palestine et au peuple palestinien qui sera rendu à travers le concert de Ziyad Sahhab et son orchestre, rejoints par le chanteur Rafic Abboud.
Le compositeur, oudiste et interprète libanais Ziyad Sahhab, qui n’est plus à présenter, marie avec virtuosité dans ses concerts les rythmes bossa nova et salsa avec de la musique et des mots arabes, mais aussi des textes soufis avec de la musique électronique. Connu pour ses réarrangements d’anciennes chansons du répertoire oriental, le musicien, né en 1982 à Beyrouth, a à son actif plus d’un album, dont Ouyoun el-Ba'ar (2004) sur des textes de Salah Jahine et Keep on Singing (2007) sur des poèmes d’Ahmad Fouad Nijm, ainsi que Araftou el-Hawa (en 2015) et Ya Layali (en 2016). Il s’est notamment produit au Festival international de Baalbeck en 2021.
Samedi 15 juin, 21h, théâtre al-Madina, Hamra.
Jeudi 20 juin : Hommage à Gisèle Khoury
« Il ne s’agira pas de mots et de discours classiques », mais cette soirée, dont les organisateurs ne veulent pas divulguer le format, rendra hommage à la personnalité de la journaliste disparue prématurément le 15 octobre 2023 des suites d’une maladie. Gisèle Khoury était une figure importante du petit écran au Liban et dans le monde arabe. Elle s’était illustrée dans l’animation de talk-shows culturels et politiques sur la LBC – notamment l’émission Hiwar al-Omr, qu’elle a présentée de 1992 à 2001 –, dans lesquels elle avait interviewé les personnalités politiques et culturelles les plus importantes de la région, avant de rejoindre la chaîne d’information en continu al-Arabiya en 2003 et la BBC Arabic en 2013. Elle était, par ailleurs, l’épouse du journaliste, écrivain et éditorialiste Samir Kassir. Après l’assassinat de ce dernier le 2 juin 2005, Gisèle Khoury avait lancé la Fondation Samir Kassir, une organisation non gouvernementale de défense de la liberté d'expression et du développement des médias. C’est également elle qui sera à l’initiative, en 2009, de ce festival du Printemps de Beyrouth qui propose chaque année une programmation pluridisciplinaire internationale articulée autour de la diversité culturelle, de la tolérance et de l’accès gratuit à des spectacles (théâtre, musique, danse...) et des conférences de qualité.
Le jeudi 20 juin, à 21h, au théâtre Tournesol, Tayouné.