Une vidéo diffusée le 14 janvier par la plateforme d’informations Megaphone a valu à ce média une plainte pour diffamation du député de Beyrouth et candidat éphémère au poste de Premier ministre, l’homme d’affaires Fouad Makhzoumi. Jean Kassir, cofondateur et directeur de la plateforme, est appelé à comparaître jeudi à 10h devant le Bureau de lutte contre la cybercriminalité.
Dans cette vidéo de deux minutes, intitulée « Comment Nawaf Salam est devenu Premier ministre », le média qui revendique sa proximité avec les mouvement de contestation d’octobre 2019 affirme notamment : « La personnalité de Makhzoumi et son passé de marchand d’armes, ainsi que sa proximité avec la famille Assad, l’ont empêché de bénéficier d’un soutien populaire ou même d’un consensus parlementaire pour faire chuter Nagib Mikati. »
Une référence à une controverse datant du début des années 2000 et dans laquelle M. Makhzoumi, alors homme d’affaires au Royaume-Uni, avait été accusé par la presse britannique d’avoir pris part, la décennie précédente, à une vente d’armes controversée aux autorités libanaises, facilitée par un ancien ministre britannique de la Défense, Jonathan Aitken. Certains titres, comme le prestigieux The Independent, avaient fini par présenter leurs excuses à Fouad Makhzoumi en 2011, indiquant que leurs informations étaient « incorrectes ».
Une affaire « ancienne »
Contacté par L’Orient-Le Jour, Bernard Bridi, conseiller en communication du député, dit avoir demandé à Megaphone de retirer le reportage en question, mais que la plateforme « a refusé ». « Cette affaire est ancienne et ces allégations refont surface à chaque fois qu’il y a une échéance dans le pays », estime-t-il. Jean Kassir précise pour sa part que sa convocation est « absurde et ridicule » et qu’il s’agit d’une « intimidation ». Il affirme par ailleurs que « le terme « marchand d’armes » a déjà été utilisé dans la presse britannique, libanaise et française pendant plus d’une décennie », en référence à plusieurs articles ou reportages sur le sujet, reprenant ainsi des arguments déjà exposés par Megaphone dans une publication sur X vendredi dernier.
La plateforme a par ailleurs critiqué dans un autre post la convocation de son directeur par le bureau de lutte contre la cybercriminalité, au lieu du Tribunal des imprimés, comme le stipule la loi dans le cas des plaintes visant des médias. Un argument repris par Jad Shahrour, porte-parole du Centre SKEyes pour la liberté de la presse, qui estime par ailleurs qu’une telle convocation montre que « les services sécuritaires continuent d’être gouvernés par le pouvoir politique, malgré tous les changements qu’il y a eu dernièrement au Liban ».
La convocation du directeur de Megaphone a mobilisé par ailleurs plusieurs activistes, journalistes et figures politiques de l’opposition, tels le député de Zghorta Michel Doueihy ou encore la journaliste Nicole Hajal qui ont affiché leur soutien à la plateforme.
Plusieurs convocations de journalistes, de comédiens ou d’activistes ont dernièrement eu lieu au Liban. Mardi, le Bureau de lutte contre la cybercriminalité a de nouveau convoqué l’activiste Sahar Ghaddar, visée en décembre dernier par une plainte déposée par la chaîne MTV. En août 2024, le comédien Kassem Jaber, connu pour ses critiques envers le Hezbollah, a été interrogé par des officiers de la Sûreté générale (SG) de Nabatiyé (Liban-Sud) après une perquisition de son domicile à Kfar Tibnit.