« Jarret ghaz spéciale » : le théâtre politique
Du 10 au 29 juin 2025, le théâtre Monnot à Beyrouth devient le théâtre d’une confrontation aussi intime que politique. Jarret ghaz spéciale, nouvelle création de Karim Chebli et Sara Abdo, explore les blessures ouvertes de deux peuples liés par l’histoire et la souffrance. La pièce interroge les séquelles laissées par le régime syrien au Liban et le poids de la mémoire collective.
Au cœur du récit, une mère libanaise vit depuis plus de trente ans avec une plaie béante : la disparition de son fils unique, arrêté à la fin des années 1980 et jamais revenu des geôles du régime syrien. Sa douleur, longtemps muette, explose lorsqu’elle croise en 2024 un réfugié syrien fuyant les horreurs d’une autre guerre. Le dialogue, d’abord brutal, expose un passé refoulé, une colère rentrée et un racisme latent nourri par la perte et l’impunité.
Portée par Cynthya Karam et Joseph Zaitouni, la pièce fait s’entrechoquer deux trajectoires que tout oppose et pourtant tout unit. Elle donne à voir l’envers de l’histoire officielle : celui des mères sans tombe, des exilés sans ancrage et des blessures partagées entre victimes libanaises et syriennes d’un même appareil répressif.
La mise en scène dépouillée laisse toute sa place à la parole et à l’émotion. L’équipe technique – Hala Kastoun (costumes), Naja Rechmani (décor), Hagop Derghougassian (lumière) et Sara Abdo (création sonore) – renforce cette atmosphère suspendue entre douleur sourde et catharsis fragile.
Une pièce nécessaire qui transforme la scène en espace de mémoire, de confrontation et, peut-être, de réconciliation.
Théâtre Monnot, du 10 au 29 juin à 20h30.
Entrée libre les 10, 11 et 12 juin.


